💨 Big Tobacco : un futur « sans fumée » ?

Les géants du tabac veulent nous faire croire à leur grande métamorphose. Philip Morris International (PMI) et British American Tobacco (BAT), deux des plus puissants cigarettiers au monde, promettent aujourd’hui un avenir sans fumée. Sur leurs sites, les slogans sont léchés, les photos épurées, les vidéos inspirantes. Un storytelling bien rodé. Mais derrière cette façade, les vieilles habitudes ont la vie dure.

💬 Une communication bien huilée, mais un message à double tranchant

Depuis quelques années, PMI et BAT s’affichent comme des entreprises en mission. Objectif déclaré : tourner la page du tabac traditionnel et investir massivement dans les produits « sans fumée » — vapoteuses, tabac chauffé, sachets de nicotine…

PMI a même financé en 2017 sa propre fondation pour un monde sans fumée (Foundation for a Smoke-Free World, rebaptisée depuis Global Action to End Smoking). De son côté, BAT a lancé en grande pompe l’initiative Omni™, censée accélérer la transition vers un monde débarrassé de la combustion du tabac.

Sur leurs sites respectifs, tout est fait pour donner l’impression d’une rupture avec le passé. Chez PMI, le mot « cigarette » est relégué dans des recoins du site. À la place, on vous parle d’innovation, de transformation, et de l’avenir radieux d’un monde sans fumée. Même discours chez BAT : promesses de transparence, de dialogue, de progrès collectif.

Ă€ les entendre, ces entreprises ne vendent plus du tabac, mais du changement.

🔎 Quand on gratte la surface, le discours s’effondre

Sauf que… ces belles promesses résistent mal à l’épreuve des faits. Car pendant que ces entreprises vantent leur révolution verte et sans fumée, leurs profits, eux, continuent de dépendre très largement de la vente de cigarettes traditionnelles — y compris sous des formes parmi les plus controversées.

Un rapide coup d’œil à l’actualité des dernières années suffit à mesurer l’écart entre les paroles et les actes.

  • PMI et les rĂ©seaux troubles au Sahel : En 2021, une enquĂŞte menĂ©e par le Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) rĂ©vĂ©lait que PMI entretenait des liens commerciaux avec Apollinaire CompaorĂ©, son reprĂ©sentant au Burkina Faso. Cet homme est pourtant identifiĂ© par l’ONU comme un acteur majeur de la contrebande de cigarettes dans la rĂ©gion, soupçonnĂ© de financer des groupes armĂ©s, et reliĂ© Ă  des figures du narcotrafic proches d’Al-QaĂŻda. Ambiance.
  • PMI en Égypte : En 2023, PMI a rĂ©ussi Ă  prendre le contrĂ´le de deux sociĂ©tĂ©s clĂ©s dans la production de cigarettes en Égypte (United et Eastern), via des montages financiers opaques. Objectif ? Consolider sa mainmise sur un marchĂ© stratĂ©gique, tout en affichant publiquement une volontĂ© de « transformation ».
  • BAT et les "paquets enfant" : En 2024, BAT a fait pression sur le gouvernement pakistanais pour exporter des kiddie packs vers le Soudan. Ces paquets de 10 cigarettes, interdits dans de nombreux pays, sont connus pour ĂŞtre plus attractifs — et accessibles — pour les jeunes. Difficile de les associer Ă  une quelconque volontĂ© de protĂ©ger la santĂ© publique.

🏭 Et maintenant, une alliance stratégique pour… produire encore plus de cigarettes

Dernier épisode en date : les deux géants viennent de notifier les autorités allemandes de la création d’une coentreprise. Le but ? Mutualiser certaines de leurs usines pour produire… des cigarettes classiques.

Concrètement, BAT pourra désormais fabriquer ses cigarettes dans les usines PMI situées en Pologne et au Portugal, pendant que PMI utilisera les sites de BAT en Pologne et en Croatie. Un accord logistique pur jus, annoncé comme une simple optimisation industrielle.

« Alors que nous faisons de grands progrès vers notre objectif d’un avenir sans fumée, nous examinons continuellement des moyens d’optimiser notre paysage de production », a déclaré PMI.

Derrière ce jargon, une évidence : les cigarettes sont toujours là. Et elles continuent de faire tourner la machine à cash.

🧠 Ce que ça nous dit

Oui, les industriels du tabac investissent dans les alternatives sans fumée. Oui, les produits de nouvelle génération prennent de plus en plus de place dans leur stratégie. Mais non, cela ne signifie pas qu’ils ont renoncé à la cigarette classique. Loin de là.

En réalité, Big Tobacco joue sur deux tableaux : d’un côté, un discours de transformation propre à rassurer l’opinion publique et les régulateurs. De l’autre, des pratiques qui perpétuent les dérives d’hier : pressions politiques, expansion vers les marchés vulnérables, partenariat avec des acteurs douteux.

Un monde sans fumée ? Peut-être un jour.
Mais pour l’instant, c’est surtout un monde sans fumée… dans les communiqués de presse.

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